Le programme TEEB : la synthèse– Introduction
« La CDB définit la biodiversité comme la « variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris, entres autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie : cela inclut la diversité au sein des espèces et entre espèces, ainsi que celle des écosystèmes » (CDB 1992). Autrement dit, la biodiversité comprend la diversité au sein de populations d’espèces (variation génétique), le nombre d’espèces et la diversité des écosystèmes.
Lorsqu’on analyse les liens qui existent entre la nature, l’activité économique et →le bien-être de l’homme, les attributs qualitatifs et quantitatifs de la biodiversité revêtent de l’importance. Outre la diversité des espèces, des gènes et des écosystèmes, la pure abondance des plantes et animaux individuels ainsi que l’étendue des écosystèmes tels que les forêts ou les récifs coralliens vivants, sont des éléments essentiels du →capital naturel et des déterminants fondamentaux des bénéfices qui en découlent.
Dans les documents récemment publiés, les liens entre la nature et l’économie sont souvent décrits grâce au concept de →services écosystémiques ou aux flux de valeur vers les sociétés humaines en raison de l’état et de la qualité du capital naturel. L’Évaluation des écosystèmes pour le Millénaire a défini quatre catégories de services écosystémiques qui contribuent au bien-être de l’homme, chacune étant sous-tendue par la biodiversité (EM 2005 ; pour une description plus détaillée, veuillez vous reporter à l’Annexe 2 [du fruit attaché]) :
- Les services d’approvisionnement – par exemple les aliments et les récoltes sauvages, l’eau douce et les médicaments dérivés des plantes ;
- Les services de régulation – par exemple la filtration des polluants par les zones humides, la régulation du climat par le biais du stockage du carbone et le cycle hydrologique, la pollinisation et la protection contre les catastrophes naturelles ;
- Les services culturels – par exemple les activités récréatives, les valeurs spirituelles et esthétiques, l’éducation ;
- Les services de soutien – par exemple la formation des sols, la photosynthèse et le cycle des nutriments.
Les concepts de services écosystémiques et de capital naturel nous aident à reconnaître les nombreux bénéfices que nous offre la nature [F1]. D’un point de vue économique, les flux des services écosystémiques peuvent être perçus comme les « dividendes » que la société reçoit sur le capital naturel. Le maintien des stocks du capital naturel permet l’approvisionnement durable des flux futurs des services écosystémiques, et contribue par là même à garantir la continuité du bien-être de l’homme.
Le maintien de ces flux nécessite également une bonne compréhension de la façon dont les écosystèmes fonctionnent et fournissent les services, et de la probabilité qu’ils soient affectés par les diverses pressions exercées sur eux. Des connaissances en sciences naturelles sont essentielles à la compréhension des liens qui existent entre la biodiversité et l’approvisionnement des services écosystémiques, y compris la →résistancedes écosystèmes, c’est-à-dire leur capacité à continuer de fournir des services dans des conditions changeantes, notamment au regard du changement climatique [F2].
De plus en plus de preuves portent à croire que nombre d’écosystèmes ont été détériorés au point d’approcher des seuils →critiques ou points de bascule, au-delà desquels leur capacité à fournir des services utiles est susceptible d’être radicalement réduite. Cependant, un degré d’incertitude considérable existe quant au niveau d’utilisation ou de perturbation que les différents écosystèmes sont capables de supporter avant que les dégâts qui leur sont occasionnés ne soient irréversibles. Par conséquent, il est nécessaire d’être prudent afin de maintenir des écosystèmes « en bonne santé » ainsi que le flux continu des services écosystémiques à long terme [F2].
Quelques services écosystémiques ont un prix explicite ou sont commercialisés sur un marché ouvert. Ces services écosystémiques, qui ont le plus de chances d’être tarifés sur les marchés, sont les →valeurs de consommation et d’usage direct des « services d’approvisionnement », tels que les récoltes ou le bétail, les poissons ou l’eau, qui sont directement consommés par les populations (cf. boîte de texte la plus à gauche à la Figure 1). Les valeurs d’usage hors consommation telles que les valeurs de loisir ou →les valeurs de non-utilisation, qui sont susceptibles d’inclure l’importance spirituelle ou culturelle d’un paysage ou d’une espèce, sont souvent parvenues à influencer le processus de prise de décision, mais ces avantages sont rarement estimés en termes monétaires.
D’autres bénéfices découlant des écosystèmes, et tout particulièrement les services de régulation tels que la purification de l’eau, la régulation du climat (par ex. la séquestration du carbone) et la pollinisation, n’ont que récemment commencé à se voir attribuer une valeur économique, à laquelle l’on a donné le nom de →valeur d’usage indirect à la Figure 1. Bien que ces dernières valeurs, une fois calculées, forment communément la majorité de la →Valeur économique totale d’un écosystème, elles demeurent largement invisibles dans les comptes journaliers de la société [F1, F5].
Les résultats de cette invisibilité économique sont illustrés par le problème délicat que représente la déforestation commerciale à grande échelle. Les entreprises ne se livrent pas au déboisement par stupidité ou par plaisir de détruire. Dans l’ensemble, elles le font en raison de signaux du marché qui, influencés par les subventions, la fiscalité, la tarification, la réglementation étatique, ainsi que le régime foncier et les droits d’utilisation, font du déboisement une entreprise rentable et logique. Il en est souvent ainsi car les coûts du déboisement n’incombent pas, en règle générale, aux sociétés qui déblaient le terrain à des fins agricoles ni aux entreprises qui abattent les arbres et vendent le bois d’oeuvre. Ces coûts ont plutôt tendance à incomber à la société, aux générations futures et, fréquemment, aux foyers pauvres en zones rurales dont la survie et la sécurité au quotidien dépendent des ressources et services de la forêt.
Les évaluations les plus récentes de la biodiversité mondiale révèlent que les espèces continuent le déclin qu’elles ont amorcé et que les risques d’extinction sont en hausse ; que les habitats naturels continuent de se perdre et qu’ils se détériorent et se fragmentent de plus en plus ; et que les principaux →moteurs directs de la perte de biodiversité (perturbation de l’habitat, pollution, en particulier la charge en nutriments, les espèces étrangères invasives, la surexploitation et, de plus en plus, le changement climatique) sont constants ou vont en s’accroissant (Butchart et al. 2010, GBO3 2010). Les autres forces motrices comprennent la croissance démographique et économique. Enfin, le manquement à représenter les valeurs économiques entières des écosystèmes et de la biodiversité a joué un rôle important dans leur perte et dégradation en continu (GBO3 2010, EM 2005).
Les mêmes évaluations insistent sur le risque de conséquences graves pour les sociétés humaines alors que les écosystèmes perdent leur capacité à fournir les biens et services dont dépendent des centaines de millions de personnes (Rockstrom et al. 2009). De tels →seuils ont déjà été dépassés dans certaines zones côtières au sein desquelles existent désormais des « zones mortes » pour ce qui est de tout un éventail de récifs coralliens et de lacs qui ne sont plus en mesure de soutenir des espèces aquatiques, et pour certaines zones sèches qui ont en fait été transformées en véritables déserts. Ces seuils ont également été dépassés pour certains stocks de poissons [F5, N1, B2]. »